Une journée de chasse, en automne, comme toutes les chasses. Le verdoiement humide et quasi-excessif de la campagne fait presque oublier l’ambiance grisâtre de cette journée d’automne. Grande vénerie le matin, petit gibier l’après-midi. L’atmosphère est une peu froide, à la fois familiale et sociale, traditionnelle et rurale. Certains chasseurs viennent accompagnés de leurs enfants. Toujours des pères, souvent des fils. L’aimable tuerie peut commencer. Se mêlent alors d’étranges sensations : tendus vers l’objectif – pas le mien –, un équipage distingué se déploie pour la première traque, selon une règle qui semble militaire mais dans une anarchie policée. Tout respire la tradition séculaire en marche, la transmission silencieuse d’un savoir kinesthésique, presque animal où se mêlent dans une étrange harmonie l’élégance, la bonhomie, la retenue et l’assouvissement de la pulsion suprême. Eros et Thanatos s’enlacent au son du canon, s’offrant en spectacle à mon œil incrédule. Je finis par vibrer de l’excitation commune à la vue de ces vies qu’on cloue sur place, de ces chairs qui tombent, mais que je ne mangerais pas.
 

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